vendredi 27 avril 2007

Ils ont écrit

Association musicale Limma de Constantine
La formation, au-delà de l’animation
Publié le : jeudi 22 juin 2006.

Il aura fallu presque huit années de galère aux membres de l’association musicale Limma (signe musical arabe) pour arracher la notoriété de celle-ci dans un monde de la culture implacable et plus particulièrement à Constantine où il n’y a pas tellement de place pour le genre proposé par l’association mais qui n’en a pas moins son public. Sans doute, le vrai public, celui-là même qui a pour mesure étalon sa fidélité inconditionnelle, quoique sur le plan de la qualité des spectacles, des plateaux renouvelés malgré l’indigence des moyens, Limma a toujours anticipé sur les désirs de ses habitués. Limma est une association musicale et veut le rester. Pourtant avec la dimension acquise sur le plan national, la réputation sur le plan national notamment, ces deux dernières années, autrement dit les Festivals Dimajazz 2005 et 2006, il y a d’énormes dividendes à ramasser pour peu que ses membres cultivent le péché de vénalité. Ce qui n’est pas le cas parce que cette vision des choses contrarierait la philosophie de ses membres fondateurs et remettrait en cause un idéal largement partagé lorsqu’au retour d’une participation au Festival du rock d’Annaba (1998), ils décidèrent de s’organiser pour devenir un pôle du microcosme artistique comme ceux qui, par une formidable usurpation, squattaient la place pour s’ériger en seuls interlocuteurs des pouvoirs publics en général et plus particulièrement des responsables de la culture. Les statuts déposés en décembre 1999, l’association sera agréée trois mois plus tard pour monter déjà le premier Festival rock dit Krikri, du nom d’un musicien de la ville, tragiquement disparu dans les années 1980. Avec ce premier festival organisé en un temps record et des démarches administratives extraordinairement réduites grâce au concours du Conseil consultatif culturel duquel ils ont sollicité un parrainage, l’ambition n’en sera que plus grande pour une association qui réussissait son premier pari d’organiser et gérer durant presque une semaine un festival constitué de trois plateaux simultanés, essaimés sur les places les plus attractives de la ville. Evidemment, ce coup d’essai, devenu en un temps record un coup de maître, allait aiguiser les convoitises et pratiquement livrer cette jeune association aux pratiques interlopes d’aigrefins qui récupéreront vite fait et sans scrupules, compte tenu de son impact sur le public, l’édition du festival de l’année qui suivra. Forcément, ces contrecoups ne pouvaient finalement que servir les animateurs de Limma sachant qu’ils les aguerrissaient et leur permettaient de tirer des enseignements pour corriger chaque fois la trajectoire. Ce qui, évidemment, était moins probable puisqu’ils échapperont à Charybde pour tomber dans Sylla. Après MaJazz, une nouvelle version abandonnée après deux expériences au cours desquelles Limma sera encore victime de son expérience du business et d’affaires du bled au ras des pâquerettes, DimaJazz sera le premier événement musical où l’association se prenait enfin en charge dans une relative indépendance. Pourquoi une association et non pas une société musicale à but lucratif ? Ce qui réglerait bien des contraintes, compte tenu du savoir-faire gagné depuis, la disponibilité d’un carnet d’adresses des plus grands groupes et artistes à l’échelle européenne, un événement annuel qui, ayant énormément gagné en maturité, connaît un fidèle et inamovible public, obtient la considération des pouvoirs publics et force le respect d’institutions étrangères. La réponse est vite donnée par les gens de Limma : « La passion de la musique tout d’abord. -Faire plaisir aux autres- Avoir des amis et contribuer à le faire » mais surtout éviter de tomber dans la facilité matérielle alors qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir et à l’issue, les animateurs de Limma pensent à la formation (à l’image des Master Class, point d’orgue de DimaJazz, voire l’aboutissement de l’événement), car il n’y a que celle-ci pour mettre fin à l’improvisation et au caractère aléatoire d’une réalité musicale, d’un genre contrarié par des résistances d’une autre époque. L’animation de ce festival a, en fait, constitué l’objectif à court terme ; sa concrétisation appelle par conséquent à des visions projetées à moyen et long terme. Le festival DimaJazz permet de garder en état de veille permanent cet intérêt. A la disparition de son mentor, Azziz Djemame, au cours de l’été 2005, d’aucuns pensaient, notamment les membres de Limma, que l’association et la formation Sinouj qu’elle parrainait n’y survivraient pas. Pourtant on note l’exemple de la réussite de DimaJazz 2006 et l’émergence d’un jeune batteur, en l’occurrence Mechaer A. (formé au sein et par l’association) pour remplacer avec brio le défunt Azziz. Une manière comme une autre d’honorer sa mémoire et d’entretenir sa virtuelle présence.
A. L.
La Tribune

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